Augusta Ada King, Countess of Lovelace (née Byron; 10 December 1815 – 27 November 1852) was an English mathematician and writer.

The British Ambassador HE Ms Kate Smith CMG organizes an event at the premises of the British Residence (Venizelos Library Lecture), on Thursday 24 October 2019 at 19.00

Subject: The Byron Legacy: the Life and times of Lord Byron’s wife & his daughter, Ada Lovelace
by Miranda Seymour, critic, novelist, biographer and memoir writer.

The event will be followed by a cocktail reception from 20.00-21.00.

The event is open to the friends of the Society for Hellenism and Philhellenism, upon previous registration.

For information please contact Ms. Matoula Tounta (email: info@eefshp.org, tel. +30.210.8094500)

 

Réné de Chateaubriand: “Note on Greece”, collection of SHP.

The Greek Historical and Ethnological Society presents the Greek edition of the works of French Philhellenes on Wednesday, 23 October 23 at 6:30 pm, in the plenary of the Old Parliament of the Historical Museum (Stadiou 13):

Rene de Chateaubriand: “Note on Greece”

Olivier Voutier: “Memoirs of the Greek War”

Claude Dennis Raffenel: “History of the Modern Greeks”

The publications will be presented by:

– Erini Apostolou, Associate Professor of French Culture, NKUA

– Maria Efthimiou, Professor of History, NKUA

– Anna Karakatsoulis, Associate Professor of History and Culture of Modern Europe and Greece, NKUA

The event will be coordinated by Tasoula Eptakoilis, journalist.

Reading of texts: Jerome Caluta

 

Jean-Charles Langlois Entrevue du général Maison et d’Ibrahim Pacha, à Navarin, septembre 1828. Intervention française en Morée (1828-1833). Dimensions : 197 x 267 cm. Cadre : 203 x 272,5 x 7,5 cm. Matière et technique : huile sur toile.

Auteur : Nicolas FERNANDEZ-BOUVERET

En 1829, le Péloponnèse, alors champ de bataille meurtri par le feu et l’acier, et nourri par le sang de nombreux belligérants, est transforméen un champ de recherches variées sous l’impulsion de troupes et de scientifiques français. L’expédition de Morée, à la fois scientifique et militaire, marque d’une grande ampleur le pays, de part le changement géopolitique dont elle signe l’aboutissement et le renouveau de l’esprit scientifique qui en découle.Cette expédition se déroule durant l’achèvement de ce qui fut, de 1821 à 1832, la Guerre d’indépendance grecque. Alors que l’Empire ottoman est l’« homme malade de l’Europe », comme le surnomma le tsar Nicolas I er , en décadence depuis le XVIII e siècle, le recul de son pouvoir sur ses provinces européennes s’accélèrent dès l’ouverture du XIX e siècle. Plus que de l’intérêt pour les grandes puissances européennes, la déliquescence de l’Empire du sultan Mahmoud II, éveille l’espoir des peuples chrétiens balkaniques. Ceux-ci doivent endurer la domination turque qui leur interdit un certains nombre de liberté, dont, le droit de posséder des terres, de monter à cheval ou de constituer des armées. La frustration et les nombreuses révoltes, surtout serbes, agitent la rébellion des Grecs qui se soulèvent contre les Turcs en 1821, proclamant en janvier 1822, à Epidaure, leur indépendance. Cependant, en
l’absence d’aide extérieure et par l’affaiblissement des insurgés due à leur divisions internes, les Turcs reprennent l’initiative. Avec l’appui du sultan égyptien Méhémet-Ali, l’insurrection des indépendantistes grecs est réprimée, le Péloponnèse ravagé et des populations sont
massacrées, comme à Chio en avril 1822.

Sous le regard indifférent des grandes puissances européennes, bien trop occupées à respecter l’esprit de la Sainte-Alliance qui soutient le droit des souverains légitimes et non le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, un mouvement philhellène traverse le Vieux
continent. L’opinion publique se range peu à peu derrière les Grecs. Malgré cela, les puissances européennes ne compte toujours pas agir. C’est alors que contre toute attente, une opération navale anglo-franco-russe coule la flotte égyptienne à Navarin en 1827. L’intervention des puissances européennes est décisive et la Grèce, par le traité d’Andrinople, est déclarée indépendante en 1829. La France a durant cette guerre une place importante : elle intervient en Morée contre les forces turques. Cette expédition en Morée, comme nous l’avons
évoquée précédemment, n’a pas qu’une fonction militaire. Aux forces armées s’ajoutent divers savants de disciplines variées, allant des sciences dites « dures » à l’étude de l’art, en passant par les sciences humaines.

L’expédition, apparaît alors comme un tournant. L’historien avide de l’étudier, à l’aide de sources notamment littéraires comme des témoignages écrits ou des comptes-rendus scientifiques, peut alors se demander pourquoi l’expédition de Morée, plus qu’un événement qui serait somme toute anodin à l’échelle de l’histoire du XIX e siècle, est en réalité un symbole d’une rupture et d’un renouveau du rapport qu’entretiennent les Européens avec leur monde présent et leur monde passé ? De fait, l’expédition constitue le point culminant d’un
retournement politique, les puissances européennes appuyant un soulèvement national. De plus, l’expédition marque un renouveau de l’esprit scientifique, que ce soit dans l’étude des sciences géophysiques ou des sciences humaines. Enfin, elle se déroule dans un contexte marquée par une nouvelle préhension du monde antique, à l’époque où une écriture romantique de l’histoire prédominait.

*

L’expédition de Morée apparaît comme le point culminant d’un retournement géopolitique. Si elle peut s’aborder comme une anomalie géopolitique, faisant suite à un retournement inattendu de la part des grandes puissances européennes, c’est par leur soutien à une cause
nationaliste.

Le Congrès de Vienne, de septembre 1814 à juin 1815, redessina les frontières de l’Europe, qui furent pour le moins bousculées par l’expansion de l’Empire de Napoléon I er . A la suite de la défaite de l’Empereur français, ses ces vainqueurs, notamment l’Autriche, la Prusse, la Russie et l’Angleterre, travaillèrent plus à satisfaire leurs volontés d’hégémonie qu’à tenir compte du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La Sainte-Alliance, puis la Quadruple Alliance, entre les principales puissances européennes, marquèrent leur désir de protéger la souveraineté territoriales des souverains et de réprimander les revendications nationalistes.

Pourtant, les puissances européennes sont intervenues à la faveur des indépendantistes grecs. Comment expliquer cela ? Il faut plus rejeter la faute sur la conjoncture, que sur de réelles convictions des puissances européennes. Malgré le développement d’une sympathie de l’opinion publique vis-à-vis de la Grèce, les puissances rechignaient à intervenir. Le tsar favorable au soulèvement pour des raisons religieuses (les Grecs étaient orthodoxes) et géostratégiques (volonté de contrôler les détroits turcs), vit ses ardeurs refroidies par l’opposition de l’Autriche, de la Prusse et de la Grande-Bretagne. Pourtant, si l’intervention européenne tarda à se montrer, à l’initiative de Nicolas I er , elle eut lieu. Le tsar se moquant du concert européen adressa un ultimatum au Sultan ottoman, pas par sympathie pour les Grecs orthodoxes, mais pour des raisons géopolitiques craignant que la Russie gagne alors en influence territoriale dans la région, l’Angleterre de Canning, y ayant des intérêts principalement économiques, par le traité de Londres, enclencha l’engrenage de l’aide aux Grecs. C’est alors qu’une flotte anglo-franco-russe coule la flotte égyptienne à Navarin le 20 octobre 1827. Il fallait mener une expédition terrestre. L’Angleterre n’en voulait pas. Mais elle refusait la possibilité d’une descente de l’armée russe, vers le Sud, alors en guerre contre l’Empire Ottoman.

L’expédition militaire en Morée revint donc à la France, alors agitée par une opinion favorable au soulèvement grec. 80 millions de francs-or furent alloués par la Chambre des députés afin de financer le corps expéditionnaire d’environ 15 000 soldats, partagé en 3 brigades, elles mêmes chacune partagées en 3 régiments d’infanterie. Un régiment de cavalerie, 4 compagnies d’artillerie et 2 compagnies de génies étaient aussi de la partie. Une soixantaine de navires furent mobilisés pour l’expédition, afin de transporter les troupes, les armes, le matériel, les vivres, les chevaux et l’argent à donner au gouvernement provisoire grec. Les Français, comme T. Quinctius Flamininus durant la deuxième guerre de Macédoine (200 – 197 avant notre ère), se montraient généreux, libérateurs, pour mieux affirmer leur impérialisme. La flotte commença à arriver dans la baie de Navarin le 29 août 1828. Débarquées le lendemain, les troupes furent accueillies en liesse par la population locale. Le 16 septembre, l’ensemble de l’armée était arrivée. Il fallut attendre le 7 septembre pour que Ibrahim Pacha, fils de Méhémet Ali, chargé de sa mission en Grèce, accepte d’évacuer ses troupes. Le 5 octobre, les troupes égyptiennes finirent d’être rembarquées. La Morée, ou Péloponnèse, n’étaient plus que défendue que par des soldats ottomans retranchés dans diverses places fortes. Les troupes françaises devaient alors les « vider » de leurs occupants et les remettre entre les mains des Grecs.

Le 6 octobre, le 16 e régiment rejoignit le siège de Navarin. La forteresse fut prise : elle n’était tenue que par 250 hommes qui finirent par se rendre. Puis ce fut le tour de Modon, puis de Codon, qui furent prises malgré des difficultés. Patras capitula, puis le « Château de Morée », sous les ordres de Hadji-Abdallah, alors Pacha des 2 lieux. C’est alors que les agas (officiers militaires) en charge du château refusèrent d’obéir aux ordres du pacha, qu’ils jugèrent traître et décidèrent de tenir le fort. Ce château était un point stratégique important : il gardait l’entée du golfe de Corinthe. Malgré une tentative de négociation avec les agas, ceux- ci refusèrent de se rendre. Les troupes françaises portèrent le siège devant le château. Le 30 octobre, l’artillerie française fit feu sur le fort, ouvrant alors une brèche. Un parlementaire turc essaya alors de négocier avec le général Maison, qui leur accorda une demi-heure pour déguerpir, sans emporter ni armes, ni bagages. Ce siège, malgré la victoire des troupes françaises, leur avait coûté 25 hommes.

Début novembre, la Morée avait été évacuée des derniers Turcs et Égyptiens. Les troupes françaises furent alors progressivement rapatriées, et il fallut attendre janvier 1833 et l’arrivée en Grèce du roi Othon pour que la présence française disparaisse du pays. Malgré sa courte durée, l’expédition de Morée, apogée de l’intervention militaire européenne en Grèce, fut riche en conséquence géopolitique, pour la Grèce, comme pour la France.

La volonté d’indépendance des Grecs eut des répercussions sur le plan international. D’abord insurrection face à l’oppresseur turc, le conflit pris donc une tournure internationale, brisant l’équilibre du Congrès de Vienne. Pour la première fois, trois puissances européennes interviennent pour soutenir une insurrection nationaliste. Comme l’explique l’historien Benoît Pellistrandi « en faisant place à un nouvel État, l’équilibre de Vienne est rompu ». Plus qu’importante pour la Grèce, désormais indépendante, grâce à l’intervention navale, puis terrestre, la nécessite d’une intervention française en Morée, traduit l’importance de la rivalité entre Britanniques et Russes. Les 2 puissances rivales sortirent toutes deux bénéficièrent du conflit : alors que l’influence russe augmenta dans les Balkans, celle des Britanniques s’affirma en Méditerranée orientale.

Finalement, la principale puissance bénéficiaire des conséquences de l’expédition est celle qui la mena, la France. De part son intervention en Morée, elle qui avait été mis hors-jeu du concert européen suite à la défaite de Napoléon I er se réjouit d’y être réhabilitée. Cette expédition débarrassant la péninsule de la présence égyptienne et la Morée de la présence ottomane, il ne restait plus qu’à la nouvelle nation la tâche de débarrasser la Grèce centrale des dernières poches de résistance turques.

L’expédition de Morée marque la dernière étape d’un retournement politique majeur, remettant la France au centre de la diplomatie européenne, tout en permettant à une nation de se former. A l’expédition militaire française, s’ajoute une expédition scientifique qui, elle aussi, marque un tournant dans son domaine.

*

L’expédition scientifique de Morée, débutée en mars 1829, de par son organisation, son déroulement, ses études et découvertes, se place à la charnière de 2 manières de concevoir la science, entre déclin des entreprises personnelles et affirmation d’une rigueur proprement scientifique. Elle se composait de 19 savants qui se positionnaient dans une des 3 sections, entre sciences physiques, archéologie et architecture et sculpture.

Une des tâches principales fixée par l’État français (dont nous aborderons le rôle ultérieurement), était la cartographie du Péloponnèse. Cette nécessité d’une cartographie à grande échelle, plus que découlant d’une réelle volonté scientifique, reflète de fait les intérêts géostratégiques de la France. Comme l’avait écrit Louis-Victor de Caux, alors ministre de la guerre « on favorisera […] les intérêts commerciaux de la France en rendant ses relations plus faciles, et l’on sera surtout utile à nos forces de terre et de mer, qui pourraient être dans le cas d’agir dans cette partie de l’Europe ». En résulte la confection d’une carte extrêmement détaillée, au 1/200 000 e . Malgré certains défauts, comme la représentation des reliefs, elle est d’une qualité supérieure à la plupart des cartes de l’époque. L’expédition donna aussi lieu à des observations géologiques, notamment sur le mécanisme de formation des montagnes, des lacs et autres entités marquant le paysage de l’héritage d’un passé lointain, des temps géologiques. Malgré la richesse des observations, rien de concluant n’aboutit, les scientifiques préférant tempérer leurs ardeurs et éviter toute généralisation.

Bory de Saint-Vincent, en plus d’avoir la charge de l’expédition, étudia tout particulièrement la botanique. Il collecta des plantes et, de retour en France, il les identifia et les décrivit. Son ouvrage Flore de Morée, écrit à la suite de l’expédition, fait part de plus de 1500 espèces. De plus, l’expédition permit de démontrer la présence de chacal dans cette partie du monde. A ces nombreuses observations et données recueillies par les professionnels de sciences « dures », s’ajoutent, notamment et surtout, de multiples découvertes dans les domaines des arts et des humanités.

La section d’archéologie avait fort à faire : son programme consistait à repérer 80 sites antiques. Malheureusement, et malgré sa relative réussite dans la recherche d’inscriptions, cet objectif ne put être atteint, en raison, d’une part, des conditions physiques des scientifiques atteints de fortes fièvres et de maladies, et d’autres part, de discordes et de non attente entre les membres de la section. Léon-Jean-Joseph Dubois, qui avait à charge cette section, ne réussit pas à y faire régner l’ordre et tous se dispersèrent. Le travail des archéologues, trop éparse pour être publiés, fut en réalité mené par la section d’architecture et de sculpture.

Cette section entreprit l’étude de nombreux sites : Coron, Modon, Pylos, Messène, Magalopolis, Sparte, Argos, Mycènes, les Cyclades, Epidaure, Némée, Corinthe, Patras, Athènes, Salamine et bien d’autres. Mais si un site mérita toute l’attention des chercheurs se ce fut bien Olympie. L’expédition y passa près de 6 semaines. Malgré quelques premiers voyages sur le site au cours du XVIII e siècle, les fouilles débutèrent sérieusement en cette année 1829. A l’aide d’une technique de fouille rationnelle, basée sur le quadrillage et sur des sondages du lieu, l’équipe put mettre au jour le positionnement du temple de Zeus. En outre de ces diverses explorations, l’équipe d’Abel Blouet, désigné par l’Institut de France pour la diriger, étudia avec professionnalisme l’architecture des monuments et autres antiquités de la région. En résulte un grand nombre de dessins, de plans, de relevés, ainsi même que des restaurations de construction antiques.

Plus qu’un intérêt pour les vestiges laissés là par les ravages du temps, l’expédition se focalisa sur les Grecs anciens. Un des membres de la section d’archéologie, le philologue Edgar Quinet, se trouva particulièrement intéressé par la sociologie et l’anthropologie des Grecs. Il fit alors une description de la société grecque antique, entre enquête statistique sur la démographie, travaux sur l’imposition, sur les élections, sur le rôle des temples, sur les conflits entre les partis politiques et même sur les luttes entre les classes sociales. L’intérêt porté aux êtres humains même ne s’arrête pas là. Preuve en est, le recours systématique à la littérature antique pour s’aiguiller dans une région qui leur était inconnue. L’itinéraire choisi repris celui de Pausanias, explorateur de la Grèce du second siècle de notre ère. De plus, la vérification des textes antiques tels que ceux d’Homère ou de Strabon était de mise en premier lieu, lors de l’exploration des sites. Malgré ce genre de méthodes qui pourraient, d’un point de vue actuel, paraître arriérées, l’expédition de Morée, en plus de ses nombreuses découvertes, embraye le pas d’un renouveau dans la manière d’étudier le passé.

En contraste avec ce que Bernard Lepetit appelait « le mouvement des voyages individuels », l’expédition de Morée, comme celle d’Égypte avant elle, signe l’apparition d’un nouvel archétype d’expédition scientifique : la mission militaro-scientifique. L’expédition de Morée découle de fait d’une volonté de l’État français, du ministère de l’Intérieur plus précisément. Bien que les objectifs des missions des chercheurs ne sont pas ordonnés par l’État (même si celui-ci était très intéressé par la constitution d’une carte du Péloponnèse), le travail de terrain se fait du moins en présence d’une force armée, du plus avec son aide directe. Comme l’expliqua G. Basalla, la science occidentale exploratoire mutait vers un « stade colonial ». La science, de part l’appuie étatique dans sa réalisation, soutient une forme d’impérialisme : ce n’est pas le nouvel État grec qui a à charge première de mener à bien une expédition de recherche scientifique, mais une puissance étrangère, ici la France.

Allant de pair avec l’appui d’une force militaire, il découle de cette expédition en Morée une certaine rigueur. Celle-ci est double, de part les conditions matérielles et conjoncturelles de sa conduite et part la discipline quasi militaire qui l’habite. En effet, Saint-Vincent, chargé de la conduite de l’expédition scientifique, discipline ses camarades ce qui permet au groupe de ne pas perdre sa cohésion alors que les sections se divisent afin de couvrir une part plus grande de Morée. Malgré cela, la traversée de la région est lente du fait des nombreuses explorations. Comme l’écrit Saint-Vincent : « Employant beaucoup de temps à chasser, à examiner et à casser des roches, à herboriser et à faire des croquis topographiques, nous cheminions lentement ». De plus, des troupes accompagnaient les scientifiques, l’expédition se déroula donc, si l’on puis dire en caricaturant abusivement, en branle-bas de combat. Au fur et à mesure de l’expédition, à l’approche de l’été, les conditions de vie des participants s’amenuisèrent. Moustiques et fièvres rejoignaient la partie. Les savants durent être hospitalisés d’urgence. Sauvés de peu, ils rembarquèrent vers l’Hexagone le 31 juillet. Seuls Bory Saint-Vincent, et les géographes Peytier et Servier décidèrent de rester en Morée. Prévue pour une durée d’un an, l’expédition scientifique ne tenue, en fait, que 6 mois.

Rigoureuse fut l’expédition, certes, mais pas autant que l’organisation du travail scientifique en lui-même. Ainsi que l’expliquait Olga Polychronopoulo, grâce à l’expédition de Morée, on voit « se dessiner les nouvelles tendances de l’exploration archéologique ». En plus de son interdisciplinarité conduisant à l’expression d’un grand travail d’équipe, l’expédition est marquée par de nouvelles attitudes et mentalités. En guise d’exemples parmi d’autres, nous pouvons citer l’apport des sciences naturelles lors de l’exploration ou l’ampleur des relevés architecturaux et épigraphiques. Cette attention pour la rationalisation du travail se dévoile particulièrement lors de la fouille d’Olympie : les tâches sont partagées et les techniques méthodiques (quadrillage, sondages). Même si la science est ici encadrée par l’armée et sans aucun doute au service d’un impérialisme, celle-ci n’est pas sans respect pour l’objet de ses découvertes. Tandis que, sous le commandement de Blouet, la section d’architecture refusa de fouiller si le risque d’endommager les structures était trop grand, le pillage et la chasse aux trésors n’étaient presque pas pratiqués. L’exportation vers la France des 3 métopes (panneaux architecturaux) du temples de Zeus d’Olympie semble être l’exception confirmant la règle. Finalement, voici peut être le fait le plus marquant de l’expédition : par son refus de pratiquer une activité somme toute courante à l’époque lors de l’exploration de sites, le travail scientifique affirme sa rigueur et son respect envers les œuvres du passé. Exemple d’un renouveau dans l’accomplissement d’exploration scientifique, l’expédition de Morée, avec celle d’Egypte avant elle (1778 – 1802) et celle d’Algérie après elle (1839 – 1842), témoigne alors, par le respect accordé aux Anciens, d’une nouvelle préhension de l’Antiquité. Et dans ce cas-ci particulièrement d’une nouvelle vision et utilisation de la mémoire de la Grèce ancienne.

*

L’Europe éprise de l’Antiquité romaine est bousculée lors de l’entrée dans le XIX e siècle. L’Antiquité classique alors de référence est dépassée par une prise de conscience généralisée de l’histoire des nations, dont le mouvement philhellène, à son apogée lors de l’expédition, en est un exemple criant.

Ignorés ou vus par le prisme des Romains, les Grecs antiques n’avaient pas très bonne presse en Occident. Même après la Renaissance, durant laquelle les œuvres classiques furent redécouvertes avec admiration, l’Antiquité grecque restait toujours plus ou moins dans l’ombre de Rome. La plupart du temps, on regardait la Grèce ancienne avec les yeux et les mots des Romains, avec admiration pour certaines figures comme celle d’Alexandre le Grand ou d’Aristote, mais surtout avec dédain et méfiance. La Rome antique restait la référence, Napoléon Bonaparte était d’abord Grand Consul, à l’image de Jules César, avant de devenir Empereur. Les institutions françaises étaient avant tout romanisées, comme en témoigne l’existence du Sénat. A contrario, le Siècle des Lumières vit se développer un attrait pour une Grèce antique idéalisée. La philosophie des Lumières, par son emphase avec le concept de Raison, se fit fille des philosophes athéniens. Peu à peu, la vision qu’avait l’élite européenne des Hellènes se métamorphosa. Le peuple justement dominé par l’Empire romain, devint, comme le décrivait Winckelmann, ampli d’une « calme grandeur ».

Derrière pierre posée à la reconstruction d’une mémoire positive de l’Antiquité hellénique, le mouvement romantique, par son attrait pour l’identité et l’histoire, voit en la Grèce le berceau de la civilisation. Face au mal du siècle, causé par d’importants changements politiques, économiques et productivistes, le romantisme est, au moins à ses débuts, un courant, pour ainsi dire, « réactionnaire », idéalisant un passé perdu. Le renouveau culturel se met au service de l’idéologie nationaliste. C’est ainsi que le grec moderne se retrouve épurée de ses éléments turcs et se reconstruit autour du grec ancien.

Le nationalisme romantique n’est pas foncièrement exclusif à sa propre nation. Les Européens ne restent pas fixés sur leur propre histoire mais s’intéressent aussi à celle de leurs congénères. Preuve en est une Europe teintée de philhellénisme dont son apogée fut marquée par l’expédition de Morée. Les luttes des Grecs contre les Ottomans enflammèrent l’opinion publique européenne. Les grands romantiques appelaient à l’aide des révoltés, au nom de principes libéraux et du droits des peuples à disposer d’eux-mêmes. Des comités philhellènes surgissent partout en Europe, de nombreuses œuvres d’art illustrent le combat des Grecs telles que Scène des massacres de Scio et La Grèce sur les ruines de Missolonghi de Delacroix, tandis que Chateaubriand, Byron, Hugo et bien d’autres rédigent discours et propagandes à la faveur des insurgés. La quantité de propagande écumée un peu partout sur le continent permettait de tenir vivant l’engouement des populations pour la guerre civile, tout en donnant mauvaise conscience aux gouvernants. Les divers arts, littératures comme peintures, exaltaient l’idée de la révolte, du sacrifice, transformant la vision de la Grèce antique qui, auparavant cadre de scènes divines et magiques, bordées de nymphes et de créatures mythologiques, devenaient le champ de bataille des héros, des palicares, fils de Périklès. Les Grecs insurgés des années 1820 étaient comparés aux héros de la Grèce homérique. Le passé était mêlée au présent, en témoignent une certaine littérature dont l’exemple le plus connu est La Grèce moderne et ses rapports à l’Antiquité de Quinet. Européens du XIX e siècle et Grecs antiques avaient dès lors, la même vision de l’adversaire : le combat confrontant Hellènes et Ottomans aujourd’hui était le même qui confrontait Civilisation et Barbarie hier. De toute part de l’Occident, des volontaires partent en Grèce pour y porter leur aide, comme Prométhée porta autrefois le feu aux Hommes.

Cette ébullition intellectuelle en faveur des Grecs eut un impact sur les populations, mais aussi peut être sur la géopolitique. Canning, dirigeant la Grande-Bretagne, comme Charles X étaient tout deux fervents philhellènes. Leur sympathie affirmée pour les Grecs put contribuer à leur choix d’intervenir en faveur du futur État-nation. Ce point reste cependant à relativiser, car il est certain que l’intervention en Grèce découla principalement d’enjeux purement géostratégiques. L’expédition scientifique en elle même découle de l’attrait qu’avaient les Européens vis-à-vis de la Grèce antique, d’où le grand nombre de lieux visités ou l’attention portée à la rigueur du travail archéologique. Plus que de la découvrir, les explorateurs de Morée revivent l’Antiquité. Quinet fit même une prière à Jupiter au sommet de l’Ithôme.

*

L’expédition de Morée, non contente d’être la finalité d’un retournement géopolitique majeur, est aussi et surtout l’expression d’un nouvel amour de la civilisation antique. Changeant la vision qu’ont les Européens de la situation de leur continent, elle marque aussi et surtout l’aboutissement d’une nouvelle logique de contemplation et d’étude du passé. Les puissances contemporaines comme la mémoire antique servent dès lors le concept de nation, loin de la vision monolithique d’un passé seulement romain et d’un présent à jamais fixé par les décisions de 1815. Une nouvelle utilisation d’un passé idéalisé se met en place, tandis qu’un renouveau touche les milieux scientifiques qui se professionnalisent et adoptent une rigueur respectueuse des realia.

L’efficacité de l’expédition savante fut telle que, en 1846, fut fondée une institution scientifique française, l’École d’Athènes, afin de perpétuer l’excellent travail des chercheurs. Plus tard, plus que les Romains, ce seront les Grecs qui seront des modèles politiques. En 1848 éclate en France une révolution démocratique. L’Athènes idéalisée d’autrefois sera alors un modèle à suivre. Et si l’intérêt de l’expédition scientifique, comme du nationalisme grecque, semble essentiellement se poser sur la période antique, elle n’en néglige pas le Moyen Âge, comme en témoignent les recherches portées sur la Grèce byzantine.

Bibliographie
Serge BERSTEIN, Pierre MILZA. Histoire du XIX e siècle, p. 74 – 85 et 178 – 180.Paris, Hatier, 1995.

Abel BLOUET. Expédition de Morée. t. I, p. 6 à 12.

Numa BROC. Les grandes missions scientifiques françaises au XIXe siècle (Morée, Algérie, Mexique) et leurs travaux géographiques, pp. 319-358. Revue d’histoire des sciences, 1981.

Roland et Françoise ETIENNE, La Grèce antique, p. 60-61. Gallimard, 1990.

Richard GLOGG. A Concise History of Greece, p. 37-38.

A. HUGO, France militaire. Histoire des armées françaises., tome 5, p. 316-317.

Pierre MORET et Alessia ZAMBON. « Les premiers voyageurs à Messène : De Cyriaque d’Ancône à l’expédition de Morée » dans Revue Archéologie. N°61, Presse Universitaire France, 2016, p. 95 – 99.

Benoît PELLISTRANDI. Les relations internationales. De 1800 à 1871, p. 58 à 62. Paris, A. Colin, 2010.

Steven RUNCIMAN dans l’Introduction de Fani-Maria TSIGAKOU, The Rediscovery of Greece, p.7. Thames & Hudson, 1981.

Bory de SAINT-VINCENT. Expédition scientifique de Morée. Section des sciences physiques., tome II Géographie et géologie., p. 18. dans Bernard Lepetit, article cité, p. 109.

Georges-Henri SOUTOU. L’Europe de 1815 à nos jours, p. 53, 54. Paris, PUF, Nouvelle Clio, 2015.

Alessia ZAMBON. Aux Origines de l’archéologie en Grèce : Fauvel et sa méthode, p. 16-17. Paris, cths et INHA, 2014.

Christina Sotiropoulou

 

The primary centre of ceramics production with subject matter from the Greek War of Independence is France.

Fig. 1. ‘Markos Botsaris at the Turkish war camp’ and ‘Greeks receiving blessing in Missolonghi’, embossed seal: Montereau, diameter: 22,5 cm., Collection of the Society for Hellenism and Philhellenism.

Indeed, a large part of the allure of these plates lies in the fact that they constitute, in a way, the sum of several heterogeneous factors which, without exception, essentially contributed in creating a truly unique outcome. Its onset goes back to their manufacturing technique which reveals a longstanding history going back to the Middle East and disseminating to Europe much later, through Spain and Italy in the first place. Finally, it was also introduced to France where, after the early sixteenth-century, it developed into a fundamental economic and artistic activity.[1]. Moreover, when it comes to plates with philhellenic subjects, it is of particular interest that although addressed to the local market and were not intended for export, they opted for decorations illustrating a series of incidents from the Greek war of independence, revealing that it was much discussed in France at that time. Furthermore, considering that these were objects of mass production and not limited to the special interests of a small market, one can understand that it was a very popular subject which had attracted the audience’s sympathy. The huge success of these objects indicate the dynamism and popularity of philhellenism in France, not only among small groups of socially sensitive citizens, such as artists and intellectuals, but also on a larger scale.

According to Α. Amandry, there were three France faience factories which produced several series with subjects inspired by the Greek War of Independence, in Choisy le Roi, in Montereau and in Toulouse.[2].

As it had been customary, factories launched for each principal subject, such as the so-called ‘Greek Revolution’, series of twelve plates. Each series would further diversify by several subseries which explored variations on the same subject (fig.2).

Fig 2. Complete series of philhellenic plates signed Valentin (1830). Collection of the Society for Hellenism and Philhellenism.

Nevertheless, each series varied even further by changing the decorative bands of the same composition or choosing different colour schemes. More specifically, Amandry distinguishes four series for the factory in Choisy le Roi, three monochromatic in black and white and one in yellow and black (fig.3). For the factory in Montereau, she sees 8 series, with 8 different decorative bands in several different colours (fig.4). Finally, as far as the factory in Toulouse is concerned, there are four series which varied, not only according to their different decorative bands, but also according to their seal. As a matter of fact, the VALENTIN seal denoted the firm’s second factory, further specifying their exact place of production (fig.5).[3].

Fig 3. ‘Young Greek fights the Pascha’ from the Choisy le Roi series, National Historical Museum.

Fig 4. ‘Miaoulis conquers a Greek vessel’ from the Montereau series, National Historical Museum

Fig 5. ‘Young Greek goes to war’ from the Toulouse series made in the Valentin factory, National Historical Museum

The factory in Choisy le Roi (fig.6), seems to have been the first to introduce a series with philhellenic motifs around 1824. As a matter of fact, the lithographs used for the illustrations had been specially commissioned to the painter Loeillot, who had also been an active member of the French philhellenic community.[4]. The motifs from Loeillot’s lithographs were used to a great degree by the Toulouse factory in its series produced around 1829, though the latter go for a free interpretation of the originals and do not strictly adhere  to them.[5].

Fig 6. The factory in Choisy le Roi in 1910.

Finally, the intermediate series of Montereau, are dated sometime after 1826 and before the battle of Navarino, most probably in 1827.[6]. Moreover, it is considered that the series produced in Montereau were the ones that differentiated the most from  Loeillot’s lithographs and were the most historical in tone, figuring the names of the heroes of the Revolution while the other two factories chose to stick to more generalized titles for the depicted episodes (fig. 7).

Fig 7. Philhellenic plates from 5th series of the Montereau factory. (left) Μiaoulis conquering a Turkish vessel. (centre) Κanaris on his fire ship. (right) Mavrokordatos conquers a Turkish fort, Collection of the Society for Hellenism and Philhellenism.

The Montereau series must have been the most successful, taking into account that it was more widely disseminated than both the other two. The composition was combined with a specially designed decorative band with strong philhellenic connotations consisting of laurel wreaths with the names of three Greek independence war heroes, matched with those of three philhellenes (fig. 8).

Fig 8. The series of philhellenic plates from Montereau with decorative bands of laurel wreaths and the names of Greek heroes from the war of independence and philhellenes, Collection of the Society for Hellenism and Philhellenism.

It must be noted that besides the plates, the same factories also produced numerous other ceramic objects, providing full sets, which included soup bowls, serving trays, jugs etc. All those objects also figure subjects similarly inspired by the Greek war of Independence.

Fig 9. Small soup pot or bouillon and cup with philhellenic themes (Montereau, ca. 1830), Collection of the Society for Hellenism and Philhellenism.

Besides France, production of plates with philhellenic subjects has also been registered in Germany and Italy, as we can see in the following examples:

  1. The Schramberg factory in Germany.

Fig 10. Philhellenic plates with embossed seal from Schramberg factory, Germany (mid 19th century), a) Kephalos pflanzt die Freiheitsfahne auf den Mauern von Tripolizza auf b) Maurokordatos vertheidigt siegreich Missolunghi c) P. Mauromichalis erhebt die Messenier in Kallamata, Collection of the Society for Hellenism and Philhellenism.

  1. The Fontebasso factory in Treviso, Italy.

Fig 11. Philhellenic plates from Italy (Treviso, Fontebasso, mid 19 century) with embossed seal: anchor with the initials R. F. F., a) Teodoro Colocotroni, b) Demetrio Ipsilanti. Collection of the Society for Hellenism and Philhellenism. In the same series four plates from the Benakis museum are also included with portraits of Byron, Kanaris, Botsaris and Karaiskakis see Risorgimento greco e filellenismo italiano. Lotte, cultura, arte, [exh. catalogue], Rome 1986, p. 248.

The production of ceramics with philhellenic decoration inspired by the Greek Revolution of 1821 in Germany and Italy continues until, approximately, in the middle of the nineteenth-century.

This shift to philhellenic subjects for the decoration of plates in the nineteenth century was relatively brief since, as expected, after the emergence of the newly-founded Greek state, people’s interest turned to other, more recent events. However, as far as the iconography was concerned, themes from classical Greece always remained among the most popular subjects.

Nevertheless, it is important to acknowledge the intensity and the extent of that phenomenon. At that time, philhellenism constituted the expression of a genuine interest towards a people to which the Europeans felt very close to, despite the historical circumstances that have kept them apart for so long, an interest which was not limited to very small, isolated groups but, on the contrary, run through the entire society, notwithstanding social classes. The success of the production of plates with philhellenic subjects in France, Italy and Germany is an indisputable testament of that.

BIBLIOGRAPHY

Amandry, Αγγελική, Η Ελληνική Επανάσταση σε γαλλικά κεραμικά του 19ου αι, Αθήνα, Πελοποννησιακό Λαογραφικό ίδρυμα, 1982.

Jean Rosen, La faïence en France du XIIIe au XIXe siècle: technique et histoire. ΗΑL Archives Ouvertes, pp.163, https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01973891/file/Rosen%202018.pdf, accessed 1 October 2019.

REFERENCES

[1][1] Jean Rosen, La faïence en France du XIIIe au XIXe siècle: technique et histoire. ΗΑL Archives Ouvertes, pp.163, https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01973891/file/Rosen%202018.pdf, accessed 1 October 2019.

[2][2] Amandry, Αγγελική, Η Ελληνική Επανάσταση σε γαλλικά κεραμικά του 19ου αι, Athens, The Peloponnesian Folklore Foundation, 1982.

[3][3] Amandry, pp. 32, 40, 44

[4][4] Amandry, pp. 34, 38

[5][5] Amandry, pp. 49.

[6][6] Amandry, pp. 37

The lecture will take place on Tuesday, 8 October 2019 at 19:30 in the Stoa Vivliou Gallery (Pesmazoglou 5)

The event is being organized by the College of Emeritus Professors of the University of Athens

The President Dionysios Kokkinos

The Secretary General of Panagiotis Siskos

Those who wish will receive a certificate of lecture attendance.